A la question precedemment posée "En quelle saison on se caresse avec plus de chaleur? ", le Dr Nicolas Venette répond ainsi:
" La chaleur excessive de l'été nous épuise et nous affaiblit tellement, que nous ne sommes pas alors capables d'entreprendre une affaire où il y a beaucoup à travailler : témoins en sont les habitants du midi, qui naturellement sont si lâches et si paresseux, qu'ils aiment mieux demeurer incessamment dans l'oisiveté, que de ménager une affaire qui peut leur causer un peu de peine.
L'excès de la chaleur des mois de juillet et d'août, joint à notre complexion bouillante, détruit notre chaleur naturelle, dissipe nos esprits et affaiblit toutes nos parties. Elle produit beaucoup de bile et d'excréments âpres, qui ensuite nous rendent faibles et languissants.
Les femmes sont beaucoup plus amoureuses pendant l'été. Leur tempérament froid et humide est corrigé par les ardeurs du soleil ; leurs conduits sont plus ouverts , leurs humeurs plus agitées, et leur imagination plus émue. C'est en ce temps-là que quelques-unes sollicitent plus tôt les hommes qu'elles n'en sont sollicitées, et qu'une nudité négligée de leur part nous fait aisément connaître qu'elles meurent d'envie d'éteindre le feu que la nature leur a allumé dans le sein.
En vérité, ces passions amoureuses sont mal partagées ! Pendant que les femmes sont ardentes, nous sommes languissants. Leur passion ne commence pas plus tôt à paraître,
que la nôtre se dissipe, comme si la Nature nous vouloit montrer par là que l'excès de
l'amour est tout à fait contraire à la santé des hommes.
L'automne, qui dure ordinairement peu, est plus propre pour nous à l'exercice de l'amour. Bien que l'air en soit chaud et sec, il est pourtant tempéré par la fraîcheur des nuits et par l'inconstance de la saison. Les hommes ne sont pas échauffés en ce temps- là , et leur chaleur naturelle est un peu plus faite; la dissipation ne s'en fait pas sitôt, leurs pores n'étant pas alors si ouverts.
Cependant , parce qu'il y a peu de temps que nous sommes sortis des ardentes chaleurs de l'été, et que nous sommes tous affaiblis par des indispositions fâcheuses qui arrivent souvent dans l'automne, il faut avouer que nous ne sommes encore guère en état de faire de grands efforts dans les caresses des femmes.
L'hiver est incommode par ses glaces, ses neiges et ses pluies froides ; nous en sommes
vivement touchés, et nos parties amoureuses, qui sont exposées au-dehors, en ressentent souvent de si fâcheuses atteintes, que si, dans le septentrion, on n'avait soin de les couvrir avec des fourrures, on courrait le risque de les faire couper et de perdre ensuite la vie. Parce qu'elles sont d'un tempérament froid et sec, et qu'elles ne sont échauffées que par les esprits qui y sont portés en abondance, je ne m'étonne pas si elles se retirent vers le centre pour se conserver par la chaleur qu'elles y rencontrent. C'est en hiver que nous faisons beaucoup de crudités, et bien que nous ayons plus de chaleur naturelle qu'en été, nous ne laissons pas dans cette saison, d'être presque aussi lents que dans l'autre.
Ce n'est pourtant pas ce que pensent plusieurs, qui croient que l'hiver est une saison où l'on se caresse avec le plus d'ardeur et de passion. Car, disent-ils, nous mangeons alors beaucoup plus, nous sommes plus agiles, et notre chaleur naturelle semble être beaucoup plus forte.
Si ceux qui raisonnent de la sorte prennent l'hiver pour une saison tempérée et exempte de grands froids , ainsi qu'il arrive dans les pays du midi, je serais sans doute de leur sentiment ; mais s'ils voulaient qu'un Suédois , qui est près de cinq mois dans les glaces et dans les frimas de son pays, eût dans l'hiver des empressements amoureux, je ne saurais souscrire à cette pensée. Cet homme, quelque vigoureux qu'il fût, est si pénétré de froid, que Vénus, que les poètes ont cru être faite de la partie la plus chaude des eaux, ne saurait l'exciter, ni lui faire naître dans le cœur aucune ardeur amoureuse.
Les femmes sont encore plus languissantes en hiver que nous ne le sommes : leur tempérament froid le devient encore plus, et l'amour ne s'est jamais si bienfait connoître parmi elles dans les contrées du septentrion que dans celle du midi. Toute la Nature est en ce temps-là en repos : pas une plante ne se dispose à la production, et les arbres ne nous donnent presque aucune marque de vie.
(à suivre - pour les caresses du Printemps)
Extrait du "Tableau de l'amour conjugal", Nicolas Venette, 1689
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